Le Forestier "Restons amants"

« S’il n’avait plus sorti d’album studio depuis l’an 2000, Maxime Le Forestier n’est pas resté inactif pour autant. Sa tournée Plutôt guitare l’a emmené aux quatre coins du pays, il a signé les chansons du spectacle Spartacus, le gladiateur, et a écrit des textes pour Julien Clerc ou Isabelle Boulay. Son retour en tant qu’interprète se fera le 19 mai avec l’album Restons amants (Polydor/universal).

Entièrement écrit par Le Forestier, cet opus a ainsi nécessité les participations d’Albin de la Simone, de Matthieu Chedid, Thomas Bloch (Radiohead, Tom Waits), Frédéric Lo (Daniel Darc, Stéphane Eicher), Patrice Renson (Ben Ricour, Vanessa Paradis) et Stanislas.
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3 réflexions sur « Le Forestier "Restons amants" »

  1. Portrait

    Sans Francisco

    Maxime Le Forestier. Retour nostalgique sur le chanteur à la barbe fleurie des seventies, qui envoie valser toute mélancolie engagée et livre son quatorzième album.

    LUC LE VAILLANT

    QUOTIDIEN : jeudi 15 mai 2008 / Libération

    On se l’était promis depuis la nuit des temps de l’adolescence. Rencontrer Maxime Le Forestier, le barbu parachutiste de San Francisco, qui fit une partie de notre éducation sentimentale sans oublier de faire vibrer les premières fibres pacifistes et libertaires. On se l’était promis et puis, ça a traîné en longueur. Urgences sans queue, ni tête, nouveautés déjà archaïques, bimbos à l’agonie et abolis bibelots d’inanité sonore. Comme autant de mauvaises manières de retarder l’évidence et d’oublier que le temps gâche les meilleures intentions.

    Il avait 23 ans quand, bien avant Mitterrand, il fut le premier homme à la rose, en effigie sur la pochette du 33-tours inaugural. Il approche la soixantaine et se préfère conteur sans aigreur mais observateur moqueur de ses gentilles outrances enfuies. Il livre son quatorzième album avec textes à double fond et à triple foyer, entre intermittences du cœur et renversement de perspectives. Il voudrait qu’on se souvienne de lui pour des chansons d’amour, craint qu’on le ramène sans cesse à ses libelles d’antan. Est-ce le souci d’échapper à sa caricature ancienne qui le voit forcer la note du relativisme ? Ou bien, l’âge venant, chacun se laisse-t-il aller à repeindre, entre gris clair et gris foncé, le noir et blanc de sa jeunesse ? En tout cas, Le Forestier ne regrette pas l’époque où il était ce «grand gourou donnant des concerts hypnotiques devant des milliers de foulards indiens» (Julien Clerc, contemporain et ami). Il ne pétitionne plus, affirmant : «J’ai signé plein de trucs, jadis. Ça ne changeait rien.» Il chante aujourd’hui sa vague envie de remettre son grain de sel mais surtout sa peur que tout cela se fonde dans le grand barouf consensuel. Père peinard pas si confiant en la nature humaine, il dit s’éviter désormais les concerts de soutien, mais il fait dans le caritatif qui est leur réplique édulcorée. Et joue les profs métronomiques auprès des Enfoirés, sans oublier d’accompagner Sol en Si. En 1981, il était «assez anar, genre élections pièges à cons» et ne s’est résolu à suivre le PS, que pour en finir avec la guillotine. En 2007, il a voté utile, «Royal aux deux tours», mais sans espoir exagéré. Et, taquin virant aisément persifleur, l’admirateur de Brassens et le lecteur jubilant de Patrick Rambaud ne peut s’empêcher de regretter de ne pas avoir vu «les femmes flics raccompagnées chez elles, à la nuit tombée».

    Dans les années 70, où les images étaient comptées et les passages télés interdits aux réfractaires, Le Forestier n’avait pas de corps. Il n’était qu’une pilosité chevelue tirant la langue aux bien-dégagés-sur-les-oreilles qui squattaient chez Guy Lux. Et cela permettait, en l’écoutant à l’aveugle, de croire que l’univers télé jamais ne nous abêtirait… Depuis, emprise audiovisuelle aidant, on a aperçu la barbe rasée lors de sa traversée du désert des années 80, le crâne déplumé allant de pair avec le remplumage antiraciste et world de Né quelque part et d’Ambalaba, et le sculptage de gueule du repreneur des fabliaux de Brassens.

    De visu et in vivo, le gaillard a l’envergure pateline des bons vivants, alliée avec le phrasé enveloppant des raconteurs d’histoire. Sinon, une barbe de deux jours, mais qui ne repoussera pas car trop blanche pour ne pas finir par faire Hemingway. Donc coupons là… L’éducation masculine classique est ainsi faite que l’estimation mec à mec du sex-appeal de l’autre est calamiteuse, quand le féminin est accoutumé à évaluer son semblable avec délectation. A défaut, remarquons juste ces beaux doigts de guitariste, aux ongles comme des médiators, qui prolongent des mains de teneur de rênes.

    Enfant, il jouait du violon, entouré de ses deux sœurs aînées. Puis, il renonça à diviniser la musique, accepta de «planter des clous» au piano, et de faire de la guitare une bonne copine au lieu d’une maîtresse exigeante. Il eut 20 ans et du succès, la chanson devint un mode d’expression et c’est alors que sa passion prit l’allée cavalière. Art équestre, dressage, haute école. Deux mois de stage par an, au Portugal, auprès de Nuno Oliveira. Une ferme dans le Loir-et-Cher pour ses montures, «des chevaux entiers, mélange d’arabe et d’andalou». Un enthousiasme à blanc, sans enjeu autre que la recherche de la perfection complice. Et puis, vingt après, à la mort du maître, retirer ses bottes crottées et tout arrêter. Sans remords, ni regrets. Comme si l’exigence n’apportait plus de plaisir neuf, et qu’il fallait mieux la laisser se figer dans la banquise de la mémoire, à l’image des chevaux du lac Ladoga pris par les glaces qu’évoquait Malaparte. Le Forestier confesse juste se faire des sniffs de parfum d’écurie quand il lui arrive d’assister à des courses de trot. Car, sinon, Philippe, 28 ans, son aîné, mi-Brésilien qui fait dans la régie ciné, lui a fait chausser des crampons virtuels. Sur le pré, il a fini par rencontrer devinez qui ? Rocheteau, évidemment ! Vous voyez Le Forestier copiner avec Luis Fernandez ? Il a un second fils, Arthur, toujours lycéen et un peu ardennais, qu’il élève en couple dans le XVe arrondissement, quartier famille de la capitale.

    Sinon, chers adolescents des années 70, sachez que le frère que Maxime n’a jamais eu a bien fini par exister. L’histoire de la famille est celle d’une mésentente cordiale. Un oncle définit ainsi le grand écart auquel se livrent les Le Forestier : «On a un pied à Londres, un pied à Paris, et on pisse dans la Manche.» Son père, dessinateur industriel, est né en Angleterre et se dit à la fois «sujet britannique et citoyen français». Sa mère, prof d’anglais qui bifurque vers le doublage de films et feuilletons, vient d’une famille de cultivateurs catholiques de Franche-Comté. Maxime a 13 ans quand ils se séparent. Ensuite, silence radio de part et d’autre du Channel. Et, ce n’est que sur le tard, après avoir enregistré Mon frère, que le visionnaire apprend que son père a déjà un autre fils, Jérôme. Rive gauche maintenue et chanson française revendiquée, Le Forestier n’est surtout pas bilingue. Il dit : «J’ai réalisé que mon blocage envers l’anglais était assez psy. C’était la langue dans laquelle mes parents s’engueulaient.» Ce qui ne l’empêchera pas de chanter Dont Think Twice de Dylan, en duo avec Joan Baez qu’il avait fait monter par le coffre, dans sa 4L pourrie aux portières bloquées.

    Sinon quoi ? Tout et n’importe quoi. 1) Deux fois, il a tenté de faire un duo avec Emmanuelle Béart. Celle-ci, «très émotive», est chaque fois tombée enceinte. La troisième tentative sera-t-elle moins prolifique ? 2) Le Forestier, pilier placide et technoïde de chez Polydor, filiale d’Universal, pense que seule la puissance de feu d’Hollywood permettra de sauver les droits d’auteur. Il dit : «Dans un monde où on paye même pour pisser, c’est démago de faire croire que la musique devrait être gratuite.» 3) Dans les années désargentées des débuts de Libé, Le Forestier vint en soutien. Surprise, Libé finit par rembourser le mécène. Cet article est d’autant moins une reconnaissance de dette. Quoique…

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