Chorus se meurt…

… et Bordeaux Chanson est très triste.

Paru dans Télérama :

C’était un pavé de 200 pages, attendu avec gourmandise le premier jour de chaque saison par les disciples de la chanson française. Depuis 1992, la revue trimestrielle Chorus leur apportait les bonnes paroles. Une véritable bible qui proposait des dossiers sur des artistes d’aujourd’hui, des voix d’hier, des rencontres, des chroniques de disques, des portraits de jeunes talents, des comptes rendus de festivals… Tout ce qui faisait ou avait fait la chanson française était dans Chorus. Une débordante source d’informations qui va malheureusement se tarir : le 22 juillet dernier, le tribunal de commerce de Nantes a prononcé la liquidation judiciaire des Editions du verbe, la société éditrice de la revue. Une nouvelle victime de la crise ? On peut le croire.

Il y a deux ans, Chorus avait déjà traversé une passe difficile. Une pub en moins, et toute la fragile économie du titre s’était retrouvée déséquilibrée. Fred et Mauricette Hidalgo, les deux passionnés de chanson française à la tête du titre (ils étaient aussi à l’origine du magazine Paroles et musique, dans les années 80), avaient cherché des solutions. « Un appel aux amoureux de la chanson française », avait été lancé, suscitant de multiples messages de soutien de la part de chanteurs et de fans. “Chorus est un titre extraordinaire, mais on ne fait pas vivre un magazine avec des compliments.”

Finalement, la solution qui apparut à l’époque la plus pérenne fut le rachat de la revue par un groupe de presse. En mai 2008, après 64 numéros publiés en tant qu’indépendant, Chorus tombait donc dans l’escarcelle du groupe Millénaire Presse, spécialisé dans des titres culturels à destination des professionnels (il publie notamment La Scène et La Lettre du spectacle). Nicolas Marc, le pdg de Millénaire Presse, devenait alors directeur de la publication. Un changement d’époque, même si le couple Hidalgo restait aux manettes de la rédaction, qui comptait une vingtaine de pigistes.

« On partait de loin quand on a repris le titre, explique Nicolas Marc. Notre objectif était de permettre à Chorus de survivre. » Pourtant, après seulement quatre numéros, il n’y croit déjà plus : « nous avons accumulé des pertes importantes, avec des baisses du nombre d’abonnés et de la pub. Le processus semble irréversible. Si on poursuit, nous allons creuser le déficit ». Il est vrai que les chiffres n’ont rien de folichon. Selon le pdg de Millénaire Presse, Chorus vend 2000 exemplaires en kiosque et n’a plus que 3300 abonnés. Les recettes générées sont donc bien faibles.

Pourquoi alors ne pas faire appel, comme il y deux ans, aux fans de la chanson française et aux chanteurs attachés au titre comme Goldman, Cabrel ou Souchon ? « Chorus n’est pas une œuvre de charité. On ne va pas mobiliser les artistes tous les ans, répond Nicolas Marc. C’est un titre extraordinaire, mais on ne fait pas vivre un magazine avec des compliments. » Il envisage cependant de sortir un numéro d’adieux en septembre. Pas sûr que Fred et Mauricette Hidalgo (que nous n’avons pas pu joindre) et les pigistes aient encore le cœur à écrire. Dans tous les cas, Chorus joue ses derniers accords. Au grand désespoir de tous ceux qui aiment la chanson française. . Patrice Jouêtre

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