A La Boule Noire jeudi 5 mai 2011
Moi, j’étais vraiment contente au début ! J’attendais Ana, à la sortie du métro Chemin Vert, elle avait un quart d’heure de retard et j’en profitais pour mater la population cosmopolite et polychrome de Pigalle. Il faisait beau, des types me taxaient des cigarettes, c’était la vraie vie. Et puis, Ana est arrivée et on a foncé vers La Boule Noire parce qu’on était en retard. Il y a eu une première partie, du rock je crois, mais comme on s’était pas vues depuis longtemps, avec Ana, on est sorties discuter. Alors, quand Hangar est arrivé, le videur nous a laissé rentrer, même si normalement, toute sortie est définitive, il y avait un panneau.
Dès le début, le chanteur s’est mis à nous interpeller, à nous raconter qu’il était content d’être là et tout ça. Moi, j’avais un peu de mal, parce que je ne le connaissais pas, et il faisait comme si on était potes. Il faut dire que le public lui était acquis. Bon. Ils étaient pleins d’une énergie juvénile, ça, ça faisait plaisir, on voyait bien qu’ils se régalaient. Seulement voilà, je n’arrivais pas à me laisser porter, il y avait quelque chose qui clochait : tout était très convenu. Les jeunes qui les acclamaient savaient certains refrains par cœur, ça aurait dû m’émouvoir, mais j’étais à distance. A un moment, je me suis dit, c’est trop facile, c’est sûr, ça va marcher, et ça, ça me plombe. Le refrain calculé, les jeux avec le public vus et revus, le coup du régionalisme, au moins dix fois Bordeaux et surtout le Bassin, le Cap Ferret, ces gens-là sont entre eux, et leurs codes sont exactement ceux auxquels on s’attend. Y compris les allusions sexuelles, à peines transgressives mais pas trop pour pas choquer. Moi, je ne me régalais pas, ça prenait pas. Alors, vers la fin, j’ai dit à Ana que si elle voulait, on partait. Dès qu’on est sorties, elle m’a demandé : « T’as rien remarqué ? On est à Pigalle ! Et dans la salle, ils étaient quasiment tous blancs et bien corrects ! Tu as là un parterre de petits bourgeois parisiens qui s’amusent entre eux ! » C’est vrai qu’ils sont pleins d’énergie, et si jeunes, mais, sur le plan des valeurs, ce côté tout bien, ça craint ! Ca manquait de vraie vie. Après avec Ana, on est allées manger une salade en terrasse et la vraie vie a repris, les gens bariolés, le serveur qui commente tout, et la fille, ou le mec, c’était pas très net, qui m’a taxé une clope, et qui ne nous lâchait plus, jusqu’à ce que le serveur lui dise en le ou la tutoyant et l’appelant par son prénom de nous laisser tranquille…