Deux articles remarqués ces derniers jours, car mettant à l’honneur des artistes aimés et reçus à Bordeaux Chanson : Emily et JP.
Le charme bilingue d’Emily Loizeau
LE MONDE | 05.12.09 | 14h51 •
LA PHOTO D’ÉMILY QUI FIGURAIT ICI ÉTAIT LA PROPRIÉTÉ DE WWW.VOLUBILIS.NET QUI N’A PAS APPRÉCIÉ DE LA TROUVER DANS NOS PAGES SANS DEMANDE PRÉALABLE. NOUS LUI PRÉSENTONS NOS EXCUSES. NOUS RETIRONS LA PHOTO CE JOUR 13/08/2010.
Lauréate 2009 du prix Constantin, qui couronne chaque année un espoir de la production musicale française, Emily Loizeau fêtera sa récompense, le 8 décembre, à Paris, sur la scène de l’Olympia. Entre comptines folk et chansons émotionnelles, cette chanteuse et pianiste franco-britannique a réussi deux albums au charme bilingue, L’Autre Bout du monde et Pays sauvage.
Vous venez de recevoir le prix Constantin après avoir reçu de nombreuses autres récompenses depuis vos débuts. Vous considérez-vous comme une bête de concours ?
On ne fait bien sûr pas ce métier pour les prix. Mais pour l’artiste en développement que je suis encore, ces récompenses me permettent de trouver un second souffle financier et promotionnel. C’est d’autant plus important que l’industrie de la musique souffre énormément. Psychologiquement, cela fait aussi du bien d’être reconnue par ses pairs. Jusque-là pourtant, je n’avais pas eu de chance avec les deux prix les plus médiatisés : les Victoires et le Constantin. J’étais nominée, mais pas élue. J’ai brisé le signe indien.
Vous n’êtes pas venue tout de suite à la chanson…
J’ai commencé le piano à l’âge de 5 ans. Je me suis consacrée à la musique classique jusqu’à l’âge de 20 ans, en y passant jusqu’à huit heures par jour. J’ai ensuite été attirée par le théâtre. Après ce rapport très studieux et technique à l’instrument classique, j’avais besoin d’une relation plus personnelle à la scène.
D’autant que le théâtre est dans les gènes familiaux.
Ma grand-mère maternelle, Peggy Ashcroft, était une grande comédienne anglaise. Mon oncle a aussi créé une troupe au Canada. Je suis partie étudier l’art dramatique à Londres. Avant mon départ, ma mère m’a offert un accordéon. C’est avec cet instrument que j’ai écrit mes premières chansons, en particulier pour évacuer le deuil de mon père, qui venait de mourir. Je me suis aperçue que la chanson me permettait de concilier ma culture musicale et mes envies de liberté scénique.
Quelle est la part de mise en scène dans vos concerts ?
Le concert est pensé comme un spectacle. Je réfléchis d’abord à la construction musicale. L’agencement des morceaux doit presque trouver l’équilibre d’une narration. Je travaille ensuite avec un scénographe ou un éclairagiste, comme en ce moment Julien Bony, très influencé par son grand-père qui était un artisan du vitrail. Je tiens à ce que les musiciens soient disposés en arc de cercle.
Le piano tient un rôle central. Il a été fabriqué pour nous : un genre de piano bastringue, à la fois de bois et de ciment, sauvage et industriel, imbriqué de micros.
Pourquoi chantez-vous en français et en anglais ?
Mon père était français, ma mère est anglaise. J’ai été élevée et je pense dans les deux langues. A la maison, l’un écoutait Brassens, Barbara, Brel, Piaf, Ferré, l’autre Dylan, Nina Simone, Joan Baez, tout en s’initiant réciproquement. Musicalement, mes influences folk auraient tendance à m’attirer vers l’anglais. Mais je trouvais intéressant de rapprocher ces deux parties de moi, d’essayer d’amener le français vers le côté charnel, intuitif de l’anglais.
Stéphane Davet
Loin des autoroutes discographiques, l’itinéraire bis de JP Nataf
LE MONDE | 14.11.09 |
J’ai passé cinq années à dire oui », se réjouit JP Nataf quand on lui demande ce qu’il a fait de son temps entre les sorties de son premier album solo, Plus de sucre (2004), et de son second, Clair, délice lumineux de cet automne.
Malgré une longue barbe et des lunettes noires qui le font ressembler à un inquiétant gourou, l’ancien chanteur des Innocents s’est bien épanoui à l’air de la marge. Après presque vingt ans consacrés à ce groupe parisien sur les autoroutes de l’industrie discographique, Jean-Philippe a choisi « un itinéraire bis ».
Avec les « Zinnos« , Jipé pouvait remplir des Zénith qui reprenaient en choeur les tubes de Fous à lier (1992) ou Post-Partum (1995), deux albums étalons d’une pop à la française. Tous les lundis soirs jusqu’au 30 novembre, à Paris, c’est dans l’intimité de la Boule Noire que 300 personnes le suivent sur sa route buissonnière. Le 9 novembre, pour la première, il débutait seul sur scène une ritournelle entêtante, Les Lacets. Boucle folk en picking, voix qui murmure, se donne du courage sur les montagnes de la vie (« Autant que je tangue, la terre tangue/La route monte en lacets « ). Rejoint par de subtiles complices – Bernard Viguié (basse, ukulélé), Ludovic Leleu (claviers), Philippe Entressangle (batterie) -, Nataf cisèle de troublantes énigmes sur fond de limpidité instrumentale et de groove boisé.
Dans la salle, on aperçoit les airs ravis de Bertrand Belin ou d’Albin de la Simone, chanteurs qui, comme lui, ont fui les facilités narratives de la « nouvelle chanson française » pour cultiver de beaux jardins, parfois restés trop secrets. Avec eux et un quatrième compère, Bastien Lallemant, JP Nataf s’est plusieurs fois retrouvé sur scène pour des concerts atypiques.
C’est à cette bande et à d’autres que Jipé a dit « oui » depuis cinq ans pour une pléiade d’expériences. Loin du métro-boulot-dodo du chanteur pop (album-promo-tournée), il s’est amusé avec les Red Legs, duo éphémère avec Jeanne Cherhal, et le projet théâtral Imbécile, d’Olivier Libaux ; tourné au Chili comme percussionniste du groupe Holden, en France comme guitariste de Barbara Carlotti ou des rockers anglais Mabuses.
« Je vis cela avec l’hédonisme d’un divorcé, s’enthousiasme le néo-troubadour. Jusqu’à la fin des Innocents, j’étais un musicien complexé qui s’enfermait pour jouer. Adolescent, mon fantasme était de devenir Robert Plant (le chanteur de Led Zeppelin), aujourd’hui c’est le Buena Vista Social Club, des musiciens capables de jouer en public comme en bas de chez eux. »
Plus de sucre (à prendre dans le sens « moins de sirop ») avait parfois le goût acide de la rupture, artistique et sentimentale. Clair miroite d’une lumière plus sereine, même si le musicien peut jouer de l’obscurité. « Ce titre, explique Jipé, est aussi un pied de nez à une période où, après deux écoutes, tu as souvent fait le tour de ce qui t’est proposé. »
Le chanteur assume une écriture impressionniste, où l’imprécision des contours se mêle à la clarté. Comme Bashung, il aime que les mots invitent à l’interprétation. Converti aux bricolages du rock underground, il peaufine encore ses compositions en amoureux de l’orfèvrerie pop. Pas un hasard sans doute si Jean-Christophe Urbain, avec lequel il fondait le tandem créatif des Innocents, l’a retrouvé sur la production de Clair, adaptant son perfectionnisme de fan des Beatles aux désirs d’aventure du chanteur. Le 9 novembre, « Jean-Chri » est d’ailleurs venu rejoindre Jipé, pour le dernier rappel, une reprise d’un de leurs tubes communs, Un monde parfait, chanté sans micro, avec guitare et banjo, au bar de la Boule Noire.
Stéphane Davet
Et pour les amateurs de JP, presque une demi heure de bonheur en cliquant sur les liens ci dessous :
ici,
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et là.