Les Innocents vus par Pauline

Les Innocents aux Folies Bergères (Paris) le mercredi 6 avril 2016

« C’est bien le poulet fermier aux figues le dimanche à midi, ça rassure ». Ça, c’est Ana qui l’a dit, dimanche. Hier à la gare en attendant mon train pour Paris, j’ai vu un militaire qui rentrait certainement de mission. Il avait son paquetage et attendait. Tout à coup un gamin a crié : « papa ! papa ! » Et c’était très émouvant de voir le contentement de ce petit garçon et de son père. Quelques secondes après, une femme s’est avancée sans enthousiasme, a gratifié le militaire d’un baiser rapide. En descendant les escaliers, le soldat ébouriffait les cheveux de son garçon, comme un vrai G.I. américain. La femme marchait quelques pas en arrière. Plus tard à Paris, Adèle m’a raconté l’histoire du ricochet. Le caillou n’est pas déçu quand le ricochet est raté a-t-elle dit. Ce à quoi Aurore a répondu : ben si, lui qui comptait s’envoyer en l’air quatre ou cinq fois.
Et puis on s’est rendues au Trianon, mais le concert des Innocents était aux Folies Bergères. Alors, sous la pluie, on a marché très vite vers les Folies Bergères et leurs salles bleues. Des sculptures en stuc, larges, bleues et or, le verre de vin blanc à 6 euros…
Alors on est entrées et on s’est installées. Et on a rigolé parce que au jeu de « regarde celui-là on dirait… » il y avait Jean Dujardin. Sauf qu’il était assis devant nous et qu’au bout d’un moment j’ai dit « il a une grosse tête Jean Dujardin ! » et je me suis décalée.
Et alors, le concert des Innocents, c’était comme un poulet aux figues du dimanche, tout doux et en même temps la fête. J.P. Nataf et Jean-Christophe Urbain, on aimerait bien les avoir comme copains, l’été, en vacances. Ils joueraient de la guitare, ils chanteraient et nous, on reprendrait les refrains en chœur, comme hier soir, quand on était tous debout, très très très contents de pouvoir participer à cette fête, quand Jean Dujardin s’est retourné et qu’il a regardé avec un large sourire le public qui s’époumonait, et que je me suis dit, c’est dingue ça, c’est vraiment lui ! Et JP Nataf aurait pu raconter l’histoire du caillou qui est un peu déçu par le ricochet raté, parce que ses histoires de school bus étaient aussi surréalistes… Oui, on était bien hier soir aux Folies Bergères, eux qui chantaient, nous qui écoutions, puis qui reprenions les morceaux, avec l’idée que la vie est pleine de jolies choses comme des retours tant attendus et d’autres plus douloureuses, comme des retours ratés, des ricochets ratés.
On les a salués, longtemps, applaudis, très très fort. Et les lumières se sont rallumées, et j’ai entendu la jeune femme qui l’accompagnait appeler Jean, et j’ai compris que c’était magique si au jeu de « regarde celui-là on dirait… » ça devenait lui.

Toro Piscine vu par Pauline

Toro Piscine à Paloma (Nîmes) samedi 22 novembre 2014

Toro piscine occupe l’avant de la scène, première partie oblige ! Et pourtant, Toro piscine envahit l’espace. « Je te fais des coups en douce… de discrets hématomes, l’amour et ses arômes », du texte, bien travaillé, sabré, à la serpe, sec et torturant, on est spectateur auditeur, attentif. Et puis ça décolle : la voix rocailleuse et le son garage, ou l’univers d’un atelier d’industrie plutôt, l’attitude rockeuse… Et la basse grave, la batterie bien franche, les sonorités bizarres qui trouent l’espace du musicien électronisciste (et même si le correcteur d’orthographe ne veut pas le mot, c’est comme ça qu’il s’appelle sur leur site), les mélodies, presque des ballades parfois, de la guitare : vrais musiciens sur scène et humaine condition tourmentée – les petites annonces grinçantes et décalées d’ « infiniment petit », avec des blagues entre les chansons, (Nîmes si accueillante qu’on a mis du mauvais temps pour ces musiciens bretons). Toro piscine, à Nîmes, ça aurait pu mal sonner, en fait, c’est tout le contraire d’une fiesta del sol, et c’est la grisaille, la tempête, un son métallique de mécano bien brut, un son de docker. Ouais, vraiment bien ! Nb : Toro piscine en première partie de Miossec… Il y a dix ans, c’est Miossec qui était en première partie de Placebo aux Arènes de Nîmes … Passage de relai ?

Barcella vu par Pauline

Au Trianon le mercredi 5 novembre 2014

Barcella – La fête
La file des gens qui attendent dans la fraîcheur de la nuit tombée sur Paris avec une impatience joyeuse est nombreuse ce soir devant le Trianon. Barcella fait une irruption rapide, salue gentiment quelques amis, et sort chercher on ne sait quoi. Au pied de la majestueuse montée d’escalier nous attendent des bouquets d gerbera, des soleils qui inondent le public puisque des hôtes en offrent un à chaque personne à son entrée. Bien sûr, ce n’est pas cela la musique ! Mais, cet accueil chaleureux fait du bien à tout le monde, nous prépare à la fête.
Le spectacle est total : sur scène, Barcella danse comme un fou, slame à une vitesse inégalable, bondit, surgit, se tient en équilibre instable sur un tabouret, allégorie du mélange de force et de fragilité qu’expriment ses chansons. Les textes sont ludiques, les références explicites, Bobby Lapointe est convoqué de nombreuses fois, en fantôme bienveillant sur les jeux de mots, les images et l’humour. Parce qu’on rit, parce qu’on chante et qu’on est emporté par ce rythme fou et festif, soutenu par les musiciens ! C’est extrêmement touchant cette préoccupation constante du public. En invitant Emilie Loizeau, Ours, Aldebert et Leeroy, Barcella nous fait comme partager ses amitiés. Loin de donner à voir un entre soi, il invite le public à jouer avec eux, à chanter « on dirait l’été », salle en pleine lumière, et chacun semble trouver sa place dans cette énergie commune. Bref une soirée comme une parenthèse d’enfance, où l’on s’oublie dans le jeu, peut-être pour mieux se retrouver.

Ita L. née Goldberg vu par Pauline

Théâtre du Petit Saint Martin le jeudi 14 février 2013

Une pièce où l’on partage l’histoire quasiment en temps réel d’Ita L. La pièce s’ouvre sur l’angoisse d’Ita, femme juive de 67 ans, qui vient de subir l’intrusion de la police, un soir de décembre 42. Le policier lui a donné une heure pour se préparer, une heure d’angoisse en temps réel dans le spectacle. Hélène Vincent donne corps d’une manière très émouvante à ce personnage qui associe fragilité et force, tour à tour, ou simultanément. Personnage à la fois candide, faussement naïf et si clairvoyant sur l’univers dans lequel il vit, Ita révèle dans son monologue les petites fêlures de la vie, la nostalgie amoureuse, la maternité qui comble et crée le manque, le sens et l’inutilité des petites choses quotidiennes. Elle témoigne aussi de la dimension tragique, de la cruauté d’une pression policière et politique incompréhensible, jusqu’à l’évocation des scènes d’horreur à Odessa. Hélène Vincent incarne la douleur, une douleur Durassienne qui frôle la folie. Est-il possible au théâtre de parler autrement de la déportation, de l’angoisse et de l’arbitraire ? On aimerait bien parfois, car, si la comédienne incarne violemment et passionnément son personnage, il n’en reste pas moins que la mise en scène réaliste et le rythme en temps réel de la pièce enferment le spectateur dans un univers codé où tout est déjà explicite, déjà compris. On a un peu l’impression d’avoir déjà vu ce spectacle, avec des variantes, certes, mais le mode du témoignage est si souvent là pour dire l’horreur de la déportation, des génocides. Impossible de prendre du recul, d’approfondir l’analyse, on est pris dans le piège de l’affect et de l’événement. On peut le regretter, avoir envie d’une approche plus complexe… Cela dit Hélène Vincent sait donner corps avec beaucoup d’intensité à ce texte.

Volpone vue par Pauline

Au Théâtre le la Madeleine le 13 septembre 2012

Diabolique Volpone
Wahou ! Quel cynisme ! On ne peut adhérer ni se projeter dans aucun des personnages de Volpone de Ben Johnson, mis en scène par Nicolas Briançon, et surtout pas dans celui du personnage éponyme, joué par un vrai vieux comédien : Roland Bertin, qui a presque 82 ans. Venise, début du XVII° siècle, le vieillard Volpone est richissime, les vautours attendent avec impatience qu’il trépasse pour lui arracher son phénoménal héritage. C’est à qui sera le plus pervers et le plus humiliant, de Volpone mystificateur ou de Mosca son serviteur zélé et pervers, ou de ses prétendants, prêts à tout pour rafler la mise, quitte même à prostituer leur jeune et innocente épouse. C’est odieux, insupportable par moment, mais ça fonctionne donc très très bien, puisqu’on les déteste tous, y compris les naïfs, ceux qui prétendent avec leur seule bonne conscience dominer les autres. Tous les personnages sont abjects et tenus par l’argent dans un décor de salle des coffres étouffant et piégeux. Rien de bon à tirer de cette idolâtrie, de cette passion aliénante pour l’argent. A côté de Volpone, Harpagon serait un doux rêveur ! Un pur moment de catharsis, totalement amoral, c’est bien bon !

François Hadji-Lazzaro vu par François

Au Krakatoa le 28 mars 2012

En arrivant au Krakatoa, j’avais hate de faire découvrir à mon jeune fils ce personnage qu’est François Hadji-Lazaro, légende vivante de la scène rock française. Devant une salle remplie d’enfants de tous âges, François Hadji-Lazaro apparait accompagné du bassiste et du guitariste de Pigalle, l’air enfantin et soufflant dans une cornemuse. Pendant une heure, il va ensuite faire découvrir aux enfants son univers musical nourri de tous les folklores du monde. Il jongle entre la mandoline, l’accordéon, le banjo, le tin whisttle… difficile de lister tous les instruments qu’il maitrise à merveille. Les mélodies sont entrainantes, et on se prend vite à chanter avec lui la recette de la charlotte aux poires ! Mais François Hadji-Lazaro, c’est aussi un coeur « gros comme ça », et le concert se ballade entre histoires drôles et souvenirs pleins de tendresse. François Hadji-Lazaro fait à la fois rire les enfants en leur racontant les courses au supermarché avec mémé ou la visite au zoo, et leur touche le coeur lorsqu’il raconte son amour pour sa maman ou ses souvenirs de « sale môme ».

Un concert simple et tendre. Et pendant une heure, moi aussi j’étais un enfant avec le sourire aux lèvres.

Olivia Pédroli et Trois minutes sur mer vus par Pauline

Aux Trois Baudets, le 14 décembre 2011

Au moment d’écrire ces mots, la seule chose dont je me souvenais pour Trois minutes, c’est que j’avais pensé : trop beau pour être crédible. Je sais, c’est débile, mais c’est vrai que le chanteur est vraiment très beau, il n’y peut rien, nous non plus. Bon, mais comme c’est tout ce dont je me souvenais, pour un mannequin, c’est très bien, mais pour un chanteur, c’est un peu court. Alors, je triche, et je vais sur leur site écouter quelques chansons, et ça me revient petit à petit. J’avais pensé à Brel. Et oui, c’était très beau cette voix tourmentée. Un peu « La maison Tellier ». En fait, j’avais vraiment bien aimé. Juste les textes qui pouvaient aller plus loin. Voilà, l’avait qu’à pas être beau, après on s’en souvient plus.

Olivia Pedroli, je me souviens très bien d’elle. Surprise : rien à voir avec une italienne ! Elle chante en anglais, et nous transporte dans un univers de conte. C’est peut-être un peu difficile d’entrer dans son monde, mais Woua ! Quelle exigence, quelle précision, et finalement, le sentiment qu’on pénètre dans le monde intérieur de quelqu’un – son terrier labyrinthique- qui va loin dans l’expression musicale avec une voix étrange et des musiciens qu’elle semble soumettre à sa volonté. Dommage pour Bordeaux Chanson, elle chante en anglais !

Les Frères Brothers vus par Pauline

Aux Trois Baudets le 30 novembre 2011

Grand spectacle comique et lyrique ! Rien qu’à voir frétiller la moustache de Bertrand, qui m’avait accompagné à ce spectacle, on voyait bien que tout le monde se régalait ! Et moi, des crampes dans les abdos, et les zygomatiques, et le chant, époustouflant ! De la finesse, de l’autodérision, et du bon gros rire, on se bidonne les yeux écarquillés, les oreilles aux abois ! (ça fait comment, faut y aller pour voir). Un grand moment de construction narrative, la chanson tragique et croisée de Œdipe roi, de Titanic, de Roméo et Juliette et de Bambi, où l’on mesure l’ampleur du drame de chacun des personnages ! Non, vraiment loufoque et vraiment bien.

Weepers Circus et Eddy La Gooyatsh vus par Pauline

Aux Trois Baudets le 6 octobre 2011

J’ai mis un temps fou à me résoudre à écrire ce compte-rendu, et pourtant, plein de fois, je l’ai écrit et réécrit dans ma tête. Rien n’est simple sous le soleil, même pas une bonne soirée. Le 6 octobre, je suis donc allée voir les Weepers Circus dans leur spectacle « N’importe où hors du monde », aux Trois Baudets. Bonne ambiance, public agréable, qui ne se prend pas le chou. Je me demande toujours en les regardant, qui sont ces gens qui ce soir là, précisément, ont décidé d’aller au concert, et pourquoi, comment ça s’est décidé, s’il a fallu courir, manger en vitesse, ou pas, avec le ventre qui gargouille un peu au début du concert… Bref, des gens ordinaires, avec des vies extraordinaires.
En première partie : Eddy (la) Gooyatsh. Il occupe la scène, seul avec le batteur, content d’être là, un peu dubitatif sur sa condition de chanteur, et il s’amuse avec cette situation : et s’il était un vrai chanteur ? Ses chansons sont touchantes, des ritournelles parfois, et des solos de guitare de rockeur. On rit beaucoup, avec lui, de lui, parfois on se sent comme au spectacle quand on était petit : on attend bouche ouverte l’intermède entre deux chansons, et on se laisse porter par les paroles et les mélodies. C’est simple, on est transporté, on est bien. Transition : installation des Weepers Circus. Comme le batteur reste, on s’attend à ce que le transport continue… Et là, c’est le flop : je tente désespérément de rester dans le bien-être dans lequel je me trouvais, je cherche ce que j’aime : je vois bien qu’ils ne se moquent pas de nous, qu’ils ont bossé, qu’ils sont forts, que chaque personnalité d’artiste parvient à exister dans ce groupe et je trouve ça étonnant, intéressant… Mais chacun est pris dans son rôle imposé par la mise en scène de Juliette, c’est maladroit, emprunté : ne se décrète pas comédien qui veut ; il faudrait bien plus que ça, la récitation de texte et le corps empêché, pour que se dégage une harmonie dans ce voyage imaginaire où ils voudraient nous emmener. Et puis, le voyage en lui-même reprend les clichés des spectacles des années post-soixante-dix. On y retrouve une forme d’imaginaire de jeu de rôles… On a un peu l’impression d’être au spectacle de fin d’année du lycée : ils y ont mis tout leur cœur, ça fait un peu mal. Du coup, c’est difficile : la chanson et la musique passent au second plan. Les images projetées sont géniales : des extraits de films muets du début du cinéma de science-fiction, mais ça ne prend pas. Et puis, le spectacle chanté, ça prend vite une tournure de comédie musicale, ça flirte avec le racolage et moi, ce côté variété me met mal à l’aise. C’est dommage, parce que le chanteur a une voix à faire tomber par terre et les musiciens sont bons. Certains morceaux sont vraiment bien, mais il faudrait épurer, arrêter de se prendre les pieds dans le spectacle, remettre la musique à sa place… Ben non, je n’aime pas ce qu’a fait Juliette, et j’ai même l’impression qu’elle ne permet pas à ce groupe d’exprimer ce qu’il a de bon.
Mais je reverrai avec plaisir Eddy (la) Gooyatsh, et à la maison, c’est très agréable aussi…

Vincent Liben vu par Méryl

à La Boule Noire le 14 septembre 2011

Tout d’abord, j’ai été surprise par le monde sur scène : un batteur, deux guitaristes, une bassiste plus Vincent Liben qui prend de temps en temps sa guitare, moi qui m’attendais à voir un un chanteur à texte s’accompagnant seul ! Bon, il faut dire que je n’avais pas du tout révisé avant le concert. A peine le titre enregistré avec Berry qui passe sur France Inter, et encore, il m’était revenu en mémoire car c’était le premier qui apparaissant en faisant une recherche rapide sur l’artiste.
Ah si, j’avais aussi lu quelque part qu’on le comparait à Yves Simon.
Le côté Yves Simon, il l’assume, il en joue un peu et y fait référence plusieurs fois pendant le concert. Il a d’ailleurs fait une très jolie reprise de Diabolo Menthe. Ensuite, on sent bien que tout n’est pas rodé dans ce spectacle, les enchaînements manquent de fluidité et quelques orchestrations m’ont semblé un peu bancales malgré l’entente qui transparaissaient du groupe. J’ai décroché plusieurs fois alors même que je sentais bien que c’était tout à fait le genre de chansons, de musiques qui auraient dû me toucher. Vincent Liben est très sympa sur scène, mais peut-être qu’il lui manque encore la complicité d’un public qui connait bien son travail ? Ceci dit, une fois ces légers points négatifs mis de côté, j’ai fini par me laisser prendre au jeu, par entrer dans son univers et c’était bien ! Quelques jours après le concert, j’ai acheté l’album pour l’offrir et l’ai longuement écouté au passage… je ne m’étais pas trompée, c’est bien un chanteur qui me touche. Je préfère les versions de l’album à celles entendues à la Boule Noire, mais serai ravie de revenir sur cette impression lors d’un prochain concert :o)